La civilisation est redevable aux moines dominicains de la conservation et de la transmission des oeuvres grecques et latines qu'ils dupliquèrent, comme les ouvrages religieux, dans leurs scriptoriums et constituent aujourd'hui l'un des trésors de l'humanité ; aux siècles sombres qui succédèrent à l'effondrement de l'empire romain, aux grandes invasions qui se succédaient et pillaient sans trêve le peu de biens produits, l'apport des moines dans leurs monastères fut essentiel. S'ils naquirent au sortir de ces siècles sombres, à l'occasion d'une période bien plus prospère, les cisterciens poursuivirent évidemment l'oeuvre monastique traditionnelle, mais surent accompagner les grands mouvements intellectuels et artistiques qui marquèrent l'époque, notamment leur participation aux oeuvres universitaires nées dans les grandes villes du pays.
Les manuscrits
L'une des principales activités des abbayes est la copie de manuscrits.
Les moines blancs ne sont pas en reste. Il existe un véritable réseau d'échange qui permet aux abbayes de se procurer les textes dont elles ont besoin pour les copier.
On trouve dans les grandes bibliothèques cisterciennes de Cîteaux, Clairvaux ou Pontigny, des Bibles, des textes des pères fondateurs de l'Église, des écrivains de la fin de l'Antiquité ou du début du Moyen Âge comme Boèce, Isidore de Séville ou Alcuin et certains historiens comme Flavius Josèphe . Plus rarement des textes d'auteurs classiques.
Les moines de Cîteaux développent une calligraphie ronde, régulière et très lisible. Au début, les manuscrits sont décorés de motifs végétaux, de scènes de la vie quotidienne ou des travaux des champs, d'allégories sur le combat de la foi ou sur le mystère divin. La Vierge est particulièrement représentée.
Mais sous l'impulsion de Bernard de Clairvaux, mû par un idéal d'austérité, un style plus épuré apparaît vers 1140. Il se caractérise par de grandes initiales peinte en camaïeu d'une seule couleur, sans représentation humaine ou animale ni utilisation d'or
Les cisterciens développent donc un style dépouillé même si le souci esthétique demeure. Ils sont souvent d'ailleurs particulièrement exigeants en ce qui concerne la qualité des supports utilisés (vélin) ou les couleurs souvent obtenues à partir de pierres précieuses (lapis lazzuli.
Avec le développement de l'imprimerie à caractères mobiles, les livres deviennent omniprésents au sein des abbayes ; des bibliothèques autonomes sont élevées dans certaines abbayes et les collections d'ouvrages enflent considérablement entre les XIVe et XVe siècles. Au XVIe siècle, la bibliothèque de Clairvaux compte 18 000 manuscrits et 15 000 imprimés.
Une culture tournée vers Dieu
L'ordre primitif ne tourne jamais le dos aux études mais il s'inscrit au départ dans un courant d'opposition aux villes, principaux lieux de savoir. En effet, les échanges intellectuels au sein des villes permettent un foisonnement d'idées dont certaines sont autant de provocations pour l'austère Bernard de Clairvaux.
Par exemple les Goliards critiquent ouvertement la société tripartite et particulièrement les religieux ; ils n'hésitent pas à remettre en cause le mariage pour prôner un amour plus libre ou la femme n'est plus une simple possession de l'homme ou une machine à faire des enfants. Saint Bernard, tout comme Pierre de Celles, autre penseur cistercien, s'oppose fermement aux universités naissantes : la vie intellectuelle citadine peut détourner de la glorification de Dieu.
Saint Bernard et Saint Norbert sont d'ailleurs les principaux persécuteurs d'Abélard.
Fuyez du milieu de Babylone, fuyez et sauvez vos âmes. Volez tous ensemble vers les villes du refuge (les monastères), où vous pourrez vous repentir du passé, vivre dans la grâce pour le présent et attendre avec confiance l'avenir. Tu trouveras bien plus dans les forêts que dans les livres. Les bois et les pierres t'apprendront plus que n'importe quel maître. ( Bernard de Clairvaux)
À compter de la fin du XIIe, du fait de l'engagement pastoral et de l'engagement prédicant, certains établissements se tournent vers l'étude des questions du temps.
Les cisterciens restent cependant, aux yeux des autres ordres et notamment des dominicains, des « simples » peu versés dans les études spéculatives. Face à ces attaques, certaines abbayes s'aventurent davantage dans les sciences théologiques et des bibliothèques cisterciennes respectables voient le jour, ainsi celles des abbayes Notre-Dame de Signy et de Clairvaux. Des contacts fructueux se nouent avec les milieux universitaires parisiens et des frères sont installés à Paris pour suivre les cours de théologie.
Il y a là une rupture avec l'idéal de renoncement au monde, manquement souvent dénoncé par les contemporains. Des chroniqueurs et des exégèses de renom se forment à l'école cistercienne. Cependant, la réflexion intellectuelle des cisterciens tend vers l'édification d'une spiritualité mystique et non vers la coquetterie et l'érudition. Guillaume de Saint-Thierry, fin théologien, abbé bénédictin de Saint-Thierry ayant renoncé à sa charge pour devenir simple moine cistercien à Signy, est un des représentants les plus éminents de cette école dite mystique spéculative.
Les universités
Avec le développement des universités, le niveau culturel s'accroît et les Cisterciens doivent s'impliquer dans la formation de leurs jeunes moines. Il faut aussi les loger dans les villes universitaires. Les moines Blancs fondent alors des collèges à Paris, Toulouse, Metz et Montpellier.
En 1237, l'abbaye de Clairvaux est la première à envoyer de jeunes frères étudier à Paris. Ils sont tout d'abord logés dans une maison du Bourg Saint-Landry. Mais leur nombre s'accroissant, en 1247, ils s'établissent dans le quartier du Chardonnet et deux ans plus tard entreprennent la construction d'un collège. Grâce à l'appui papal, les terres insalubres à proximité de la Bièvre sont rachetées et il y est érigé un collège. Il est racheté en 1320 par le Chapitre général de l'ordre.
Ce Collège des Bernardins est ouvert aux étudiants de l'ensemble de l'ordre. Prévu à l'origine pour accueillir une vingtaine d'étudiants, le Collège des Bernardins, forme entre le XIIIe et le XVe siècle, plusieurs milliers de jeunes moines cisterciens, l'élite de leur ordre, venus du nord de la France, de Flandre, d'Allemagne et d'Europe centrale pour étudier la théologie et la philosophie.
En 1334, Jacques Fournier, ancien étudiant du Collège Saint-Bernard, reçu docteur en théologie vers 1314, devient pape à Avignon, sous le nom de Benoît XII. Cet ancien abbé de l'Abbaye Sainte-Marie de Fontfroide promulgue en 1355 la Constitution ''Fulgens sicut stella matutina'', ou ''Benedictina'' qui règle les rapports qu'entretient l'ordre avec les études intellectuelles.
Les monastères de plus de quarante frères doivent adresser deux de leurs membres aux Collèges de Paris, d'Oxford, de Toulouse, Montpellier, de Bologne ou de Metz. Les Cisterciens s'intègrent parfaitement aux exigences du règne de la scolastique.
À l'époque moderne, la culture humaniste gagne les monastères ce qui provoque l'opposition des principaux tenants de la réforme au XVIIe siècle. Ainsi au XVIIIe siècle, « de nombreux novices et moines vont étudier dans les universités et, d'une façon générale, les religieux s'adonnent beaucoup à la lecture, peut-être parce qu'ils sont désœuvrés (Marcel Pacaut, ''Les moines blancs'', ''op. cit.'' p. 335).
Les Cisterciens se dirigent plus particulièrement vers les œuvres regardant la liturgie, la musique sacrée ou l'érudition à l'exemple de Ferdinand Ughelli, abbé de Tre Fontane à Rome et de Pierre Le Nain, sous-prieur de la Trappe, auteur d'un ''Essai sur l'histoire de l'Ordre de Cîteaux''.
L'art cistercien est en accord avec leur spiritualité : il doit être une aide pour le cheminement intérieur des moines. En 1134, lors d'une réunion du Chapitre général de l'ordre, Bernard de Clairvaux qui est au sommet de son influence, recommande la simplicité dans toutes les expressions de l'art. Dès lors, les cisterciens vont développer un art dépouillé et souvent monochrome.